Oops! I did it again...

Ivy ne répond pas tout de suite au Chef Scarifié, redresse ses manches, et s'accroupit pour replacer les enceintes de la chaîne contre la porte. Play. La musique reprend.

Ivy se redresse, aussi rigide que Saül. Protocolaire, calme en surface, aussi chaude et sexuel qu'un pneu de semi-remorque fourré dans un congélateur géant - vu la taille de la bonne femme. Elle fait un pas en avant, en sa direction. Les traits de son visage s'efforcent de rester neutre, mais sa bouche oscille, le coin de ses yeux s'éprend de quelques petits soubresauts nerveux, alors qu'elle essaye d'accrocher au regard de Saül, comme pour l'hypnotiser.

« Alors promettez moi de garder votre calme en toute circonstance pour ce qui va suivre, Commandant Saül. »

Elle pivote le visage vers Emi, et élève la voix.

« Je vous ai demandé si vous étiez ivre, parce que vous avez une démarche suspecte et des gestes bizarres. La fille qui parlait à la radio ici aussi avait l'air bourrée. J'espère que ce n'est pas une blague. »

Visiblement, il y a des détails qui échappent à Ivy, car elle passe soudainement de l'un à l'autre des visages, la taille moins sure d'elle, le haut des épaules qui tremblent légèrement, la respiration un peu troublée. Elle reconcentre néanmoins son attention sur le gradé en se raidissant encore plus.

« D'abord Commandant Saül, j'aimerai savoir s'il y a d'autres objets suspects ici, hormis les fioles qu'Emi a cassées. Vous savez ce que j'entends par suspects. »

Le vert trinitite se lève alors pour observer très rapidement les étagères. Il semble s'arrêter sur celle qui est particulièrement dérangée.

« C'est un vrai foutoir ici mon Commandant. Je veux m'assurer qu'il n'y a pas de matériel d'enregistrement avant de poursuivre. Ou autre mon Commandant. »

Elle grince des dents, comprime sa mâchoire. Merde. Mon Commandant. C'est vraiment sorti tout seul, comme par réflexe.
Ivy roule des yeux, le teint cireux se met à rougir considérablement, elle baisse la tête et grogne presque, la voix à moitié éclatée.
Un rien qui dérange ses petits protocoles, et la voilà aussi honteuse qu'une morveuse prise à voler, la main dans le sac. Y'a pas vraiment de raison pourtant.

Mais le protocole, c'est le protocole, bordel.

« Euh... Je...je veux dire...Commandant Saül. »

La tension est plus que palpable et à vrai dire, elle commence à s'insinuer entre ses tempes, provoquant un hideux mal de crâne. Elle fronce les sourcils, et commence à vouloir répondre quand il lui fait le reproche de son handicap.

Elle accuse le coup, en baissant d'un cran les épaules. Son expression est mauvaise et elle est à deux doigts d'aller l'envoyer baiser toutes les salopes voyantes du coin et de lui foutre la paix, mais elle ravale ses mots, et se contente d'une réponse concise, et froide.

"Je n'en ai aucune idée. Quand je me suis aperçue que j'avais les doigts en train de se couper et de baigner dans du liquide, et que j'ai reconnu le récipient dans lequel les fioles y avaient été placées, j'ai stoppé net mes investigations... Je tenais à me remettre dans le dossier avant l'arrivée d'Ivy. Afin d'aider Coralie au mieux."

Ivy passe sa main sur son visage. Elle écarquille grand les yeux, l'air complètement halluciné, avant de coller son dos au mur, à bout de souffle. Son poing se serre. Elle balance un regard enragé vers Saül et Emi. On dirait bien qu'elle est à deux doigts de piquer une crise du tonnerre.

La main repasse sur son visage. Ivy blêmit terriblement. Sa bouche s'ouvre et se referme pendant de longues secondes. Ses yeux partent maintenant divaguer dans le vide.

Des gouttes de sueur commencent à ruisseler le long de ses tempes. Sa voix tremble, presque inaudible.

« C'est pas possible. Vous...vous êtes complètement tarés. Je vais quitter la ville après vous avoir donné mes informations. »

Ivy reste d'abord collée au mur, mais lève et baisse la main en signe d'apaisement. Elle cherche des yeux quelque chose dans la pièce. Le débit est rapide.

« C'est bon Commandant, comprenez que... Bref. Je vais regarder Commandant. Doucement.
Je suis avec vous.
Je suis avec vous.
Je ferai tout ce qu'il faut pour cette femme, mais il faudra bien finir par me faire confiance Commandant. »

Ivy s'écarte du mur, et marche à pas prudents, en passant devant Saül, pour se diriger vers le mur opposé, là où il y a l'étagère en vrac. Les débris luisent à peine sur le sol du wagon. Ivy se baisse un peu, et tâte du bout du crochet ce qu'il reste de la catastrophe.
Elle scrute rapidement le bordel sur l'étagère, puis se retourne vers le Chef Scarifié.
Son regard glisse vers Emi.
Un regard grave, sans compassion, sans empathie.
Ivy se retourne vers Saül, et déglutit.

« Les deux fioles sont out Commandant. C'est la merde. »

…

« Il y a donc trois alternatives Commandant.
Dans tous les cas de figure, on ne pourra être sûr de rien avant...un mois...un mois et demi.
Il faut mettre Emi en quarantaine, mais le plus discrètement possible. Il faut la surveiller et la boucler nuit et jour, son comportement va peut être changer.
Il faut absolument qu'elle évite les travaux collectifs dangereux, les visites médicales, et surtout... »

…

« ...qu'elle couche avec qui que ce soit, Commandant. »

Ivy fait quelques pas pour appuyer son crochet et sa main sur la table, les bras tendus, la tête baissée, un genou à moitié fléchi.
Ses lèvres tremblent; les mots sont littéralement arrachés de la bouche.
Elle ne regarde ni Saül, ni Emi. Juste la table.

« Le reste est plus positif mais...
Dans un certain cas... Il faudra éliminer Emi le plus vite possible Commandant. »

Étourdissement après un coup de massue. Tout était déjà un peu sombre dans sa vision de la vie, mais il lui semble qu'elle est en train de perdre un autre de ses sens. Avec toutes les conséquences qui vont avec. Enfant. Plaisir. Mariage. Le trio s'effondre, en silence.

Pourtant, elle garde la tête froide. Peut être un peu trop. Et déjà une question essentielle et pragmatique lui vient à l'esprit.

"Mais... Quel comportement... Pourquoi me surveiller ? Il faudra... m'attacher ? Pourquoi une quarantaine ? Si je disparais, ils vont se douter de quelque chose... Ça ne va pas être bon pour nous çà... Saül, Ivy, il faut trouver une autre solution."

Sur un ton n'encourageant aucune contestation.

"Je ne peux pas disparaître pendant un mois."

Ivy continue de fixer la table, comme si elle ne suivait plus trop la conversation.
Mais elle coupe presque l'aveugle à la fin de sa dernière phrase, en marmonnant ultra-rapidement, un bout de mâchoire tendue à bloc derrière sa joue:

« Pas d'autre solution. Il faut maquiller la solution. Il faut enrober la solution. »

Elle se tait. L'atmosphère devient irrespirable. Et l'homme...

Ivy pose finalement un bout de fesse sur la table, tournée autant vers Emi que Saül.

« Hum... Je pense. Bon. Je vous fais le topo, mais j'suis pas spécialiste. »

Elle semble chercher ses mots, en tripotant vivement son crochet, comme si elle pianotait sur le clavier d'un ordinateur.

« Première solution, Emi n'a rien contracté. J'ai comme un gros doute, mais c'est pas à exclure. »

…

« Deuxième solution. C'est assez long à expliquer. Au début j'ai pas fait le lien. Mais deux fioles, ça m'étonne pas en fait, si vous avez trouvé ça sur l'individu qui est venu ici et que vous pensez être Mack. Le terme GV3N10 regroupe en fait deux trucs très distincts, mais aussi très proches. »

Elle se racle la gorge, se gratte le côté du front, puis reprend. Le ton est plus neutre, plus distant, moins chargé d'émotion. Peut être plus amical, aussi. Allez savoir.

« Emi a été exposée au GV3N10...hum...comment dire...original.
A vrai dire, je sais pas bien ce que c'est.
Je peux même pas affirmer que c'est un virus. C'est assez opaque.
C'est le produit miracle qu'aurait inventé une femme du nom de Valentine Fretch...
Un truc qui arrête complètement ou presque le vieillissement cellulaire. Ou quelque chose comme ça. La vieille quête de l'éternelle jeunesse et de l'immortalité, quoi.
Ca n'a jamais été mis sur le marché, ça n'a jamais été ni analysé ni validé par d'autres scientifiques. Qui faisaient pas partie du p'tit club des Dix ou assimilés, j'entends.
Ce dont je suis certaine, c'est que Valentine Fretch en était porteuse, photographies et témoignages à l'appui. Une bonne partie des autres NA aussi, sans doute, même si je peux le confirmer que pour une seule d'entre eux, Tatiana Zéro. Les autres, je ne les ai jamais vus que sur des images d'archives, et y'a un autre cas à part qui avait tout du vieux croulant lambda. »

…

« Valentine se distingue des autres, parce qu'elle a pété les boulons. Dans le sens où elle n'a plus servi un "projet" scientifique, si vous voulez. Elle est devenue un chien errant, avec en bandoulière une sorte de philosophie écologiste ultra-radicale.
Une espèce de légende pour faire peur aux gosses. Sauf qu'elle existait vraiment. Elle trucidait à peu près tout ce qui bougeait...bon...j'vous passe les détails sur cette psychopathe.
Où j'en étais... Donc. D'nombreux témoignages pré et post-apparition du GV3N10 sous sa forme mortelle indiquent que Valentine et Tatiana partageaient une même passion pour le sexe. Quand je dis passion, c'est pas vous et moi, hein, même si on aime tous ça, certains plus que d'autres... C'était même au-delà d'la nymphomanie. Mais personne n'est jamais tombé malade à leur contact. Ni devenu un surhomme qui vieillit pas.
On a déjà dû mettre en cellule d'observation long terme des civils qui prétendaient avoir couché avec Valentine, et d'autres qui avaient survécu au Projet Zéro. On a jamais rien trouvé sur ça. »

…

« Bon, j'explique très mal, je suis pas douée pour ça, moi j'faisais principalement du terrain, mais vous voyez où je veux en venir pour Emi ? Si..."ça"...est en elle...elle va très vite vouloir sauter tout ce qui bouge si elle n'a pas sa dose. Mais ne transmettra rien de dangereux. Enfin. Je suppose. Je déduis. »

Elle marque un temps d'arrêt. Puis repianote sur son crochet.

« Ce qui nous amène à la troisième solution, où on retrouve le sexe comme principale caractéristique. Le virus. Je continue ? »

« Des abeilles ? »

Qu'elle répète tout bas. Ivy a l'air particulièrement troublée par les mots qu'elle vient d'entendre.
Ses yeux se plissent une fraction de seconde, hyper-suspicieux, méchamment méfiants, derrière le dos de Saül qui se dirige vers Emi.
L'éclat du vert trinitite suinte presque de l'acide. Cela ne dure qu'un instant.

Ivy tourne finalement la tête pour regarder ailleurs, alors que les deux amoureux sont tout proches.

« Oui oui...je vais pas...bref... »

Ivy semble beaucoup moins prolixe pour parler du virus, comme si ça lui arrachait vraiment la gueule d'en parler. Le vécu, sans doute.

« Les premiers symptômes du virus apparaissent généralement un mois après la contamination...
Au pire, deux semaines...
Les poumons sont les premiers et principaux organes affligés. Si Emi commence à tousser dans quelques temps...voilà... Après c'est la descente aux enfers...jusqu'à pouvoir remplir des seaux de sang uniquement en se mouchant...
Au début sa libido va augmenter...jusqu'à devenir...totalement incontrôlable... On fera la genèse de la maladie un autre jour, si vous voulez bien... »

Elle donne une brève tape sur son genou, puis reprend d'une voix cette fois affirmée. Bon, elle parle à l'étagère, certes, mais elle y met de l'entrain.

« Voilà pourquoi je veux une quarantaine. On sait pas ce qu'elle a choppé. On sait pas si elle a rien. C'est trop dangereux de la laisser en contact avec la population. Même un coup tiré vite fait sans qu'on y prenne garde, un accident de travail avec du zèle de sauveteur qui se prend une goutte de sang dans l'oeil, et on peut tous être cuit en moins d'un an. Tous. Et New Vegas sera de l'histoire ancienne.
On peut réfléchir tous les trois sur des faux semblants, j'ai déjà des idées.
Mais Commandant...
Comprenez que s'il y a une personne infaillible qui peut garder Emi 24/24 sans être tentée, sans la juger, et sans avoir peur d'elle...
Vous savez où me trouver.
Faudra parler du "reste" plus tard, quand vous aurez digéré tout ce que je viens de dire. Faîtes plus attention à moi si vous voulez vous dire quelque chose. Mais je préfère pas sortir. »

Elle frotte son visage contre lui. Comme si c'était la dernière fois qu'elle pouvait sentir son odeur. Elle est un peu raide, malgré tout. La présence d'Ivy peut être ou les gens qui sont dehors. Les habitants de New Vegas. Les membres du Conseil. Tous ceux qui pourraient les perdre.

"Oui. Oui, nous ferons çà..."

Au fond d'elle, elle pense que l'ACT et les Scarifiés devraient partir d'ici. Avant que ça se sache.
Elle serre alors à son tour Saül contre elle.
Avec toutes les conséquences que ce choix comporte.

"Des litres de sang... Si je n'ai rien, ce sera une fête magnifique..."

Quand elle aura les premiers symptômes, il sera peut être trop tard pour fuir.

"Ivy a l'air de s'y connaitre. Elle a sûrement une idée pour adapter mon emploi du temps pour nous éviter les soupçons de la HSC..."

Ivy s'est écartée de la table pour se diriger vers la porte, sans un regard pour la partition de mélodrame qui est en train de se jouer derrière elle. Ses rangers jouxtent le ghetto-blaster. Elle remet sa capuche sur son crâne. Sa main valide appuie toute sa paume contre la porte.
La tête légèrement baissée, un genou fléchi, elle ne bouge plus d'un poil.

« Un mariage... Le syndicat... "C'est moi dont il faut s'méfier ?"... Beaumont... Tête de niais... Réfléchis putain... Réfléchis... T'endors pas Ivy... J'en ai marre... Réfléchis putain...»

Il ne relâche pas son étreinte, il a l'impression qu'elle va lui exploser dans les bras là... comme ça. Emi va peut être mourir, Emi va peut être mourir, Emi va peut être mourir, plus il se répète ça, plus ça lui semble impossible. Elle est le seul élément à peu prêt stabiblisateur dans sa vie. Lui qui a toujours connu que des putes et des viols, elle est la première femme à lui avoir apprit autre chose... lui qui n'a jamais considéré le sexe que comme un moyen de prendre son pied, elle est la seule à lui avoir fait envisager ça sous un angle plus profond, à lui avoir fait songer à la possibilité d'avoir une descendance. Elle est son leitmotiv, sa motivation pour tout ce qu'il fait, pour fonder un Empire sur ses terres, fonder une dynastie. Quel intérêt de se voir en monarque du Fractland si il n'a pas sa Reine pour régner à ses côtés? Elle l'a tiré vers le haut de tout temps, l'a extirpé de la fange de cadavres et de viscères dans laquelle il se complaisait, son idée de l'A.C.T. est né à son premier passage à New Vegas, c'est entre ses bras qu'il y a songé pour la première foi, alors qu'il récupérait du trait de plomb qu'avait logé Gaz O Line dans sa cuisse. Sans elle... il n'y aurait alors plus qu'à tout bruler.

L'ironie de tout ça, c'est qu'il est actuellement entrain de serrer probablement une Transhumaine réalisée, la dégénérescence de ses cellules c'est en effet arrêtée... en théorie. Celle qu'il aime est peut être bien entrain de toucher l'essence même de sa quête, l’immortalité, la divinité, de rejoindre la race supérieure, pourtant il n'y pense même pas. Finalement il la relache un peu, se redresse et d'une voix tremblante demande :

"Personne ne doit savoir. Mais ils vont se poser des questions. Il faut trouver quelque chose. Ivy, tu as dis être bonne pour tout ce qui est mécanique, bricolage, etc.?

Tu peux donc être tout à fait utile en tant qu'artisant pour les armes du coin... Emi est une membre importante du syndicat de la poudre."

Il se tourne vers l'aveugle. "Est-ce que tu dire que le syndicat... je sais pas, que le syndicat t'énerve par exemple en ce moment et que tu as décidée plus que de bosser avec ta nouvelle apprentie, Ivy, chez toi, si on y fait transporter du matos.?"

Il réfléchit à toute allure.

"Ou bien... tu pourrais apprendre les herbes médicinales avec Aldartok... Il y connait un rayon là dessus et tu m'avais dis que tu avais envie d'apprendre la médecine. C'est une activité pas dangereuse pour trois sous... qui éveillera pas non plus le soupçon de Simon, puisqu'il est logique que tu te concentres et que tu restes cloitrées pour bien étudier avec par exemple.

Dans c'cas de figure faudrait quand même que Ivy et d'autres se relaient le plus souvent possible pour pas laisser Aldartok seul avec toi.

Qu'est-ce que t'en dis?"

A Ivy.

"Et toi?"

Ivy brise sa position particulière et se dirige vers les étagères, fouille rapidement sans s'arrêter sur les détail, puis finit par en sortir un carnet. Elle le pose en haut d'une pile de dossier, l'ouvre, feuillette vivement l'objet, en arrache une page en s'appuyant sur son crochet, puis revient à la table et s'assoie sur la chaise où Saül s'était installé un peu avant.

Violet semble hésiter un moment. Regarde Saül, avec un petit pincement des lèvres.
La manchote hausse les épaules. Sa main se dirige vers l'arrière de son crâne. Elle fouille sous ses cheveux, en haut de la nuque.
Une petite grimace, un espèce de bruit de frottement.

Quand sa main revient au dessus de la feuille, elle a entre les doigts un petit crayon de bois bien taillé, où un bout d'adhésif dépasse encore au milieu de celui-ci, couvert de cheveux sur son collant.

Elle roule des yeux, tousse légèrement dans son poing pour se donner contenance.

« Bon, je vais faire une liste de ce dont j'aurai besoin.
Sinon...
L'idée de l'apprentissage de la médecine à la maison est bonne. »

…

« Pour le syndicat, je suis pas convaincue, si Emi n'a aucune raison d'être fâchée du jour au lendemain, même un gosse peut faire facilement le lien entre l'incident de ce soir et sa disparition de la circulation. Il faut qu'Emi apparaisse en public une dernière fois, de la manière la plus naturelle possible, sinon on est grillé à mort. Pas crédibles.
Hum... Bon je vais pas être très fine... Mais faut profiter de tous les détails dans une situation donnée... Je pensais utiliser votre mariage... Demain, j'aimerai qu'Emi et moi nous nous rendions au syndicat. Pour me faire visiter les ateliers disons. Elle en profiterait pour annoncer à ses collègues qu'elle compte vous fabriquer un cadeau spécial, une surprise, un truc où elle aurait besoin de moi pour justifier ma présence chez elle si quelqu'un me voit, et mes venues à l'atelier pour emprunter du matériel...
Emi n'aura qu'à dire que la conception est très longue et très fastidieuse, et qu'elle ne veut pas le faire à l'atelier où beaucoup trop de monde pourrait voir l'objet...et peut être gâcher la surprise... Qu'elle ne veut pas non plus être trop dérangée...dispersée... Qu'elle travaillera aussi normalement à la maison pendant ce temps...
S'ils posent trop de questions, "et Saül qui va dans le wagon vous avez pas peur ? etc", on sort très vite des phrases bidons, ça passera tout seul avec des ab...des mecs comme Beaumont. »

Le crayon de bois commence à griffonner sur la feuille. Ses yeux passent de son travail d'écriture à Saül et Emi. Elle a une drôle de façon de tenir l'objet entre ses doigts, et semble hacher les lettres plutôt que d'écrire en boucle. Peut être qu'elle est gauchère, à l'origine.

« Alors ? »

Un plan, un vrai. Rien de tel pour stopper les idées noires.
Parfait.
Elle reprend une respiration efficace.
A l'évocation de Beaumont, elle sourit. Quelques sensations reviennent à son souvenir.

"Je n'ai aucune objection contre ce plan. Ivy. Avez-vous déjà gardé des malades de ce Virus ? Etes-vous certaine d'être préparée pour çà...? Ne faudra-t-il pas quelqu'un en plus, pour vous relever ? Surtout que vous revenez de loin. Vous devez aussi vous remettre de votre voyage."

Ses mains cherchent un espace dans lequel s'immiscer pour rencontrer sa peau. Geste devenu naturel dans leur relation, elle n'y prête pas attention.
Elle l'enserre un peu plus fort.

"Kredj... Kredj est en ville...? Si il ne nous trouve pas, ça finira par être louche aussi. Simon. Il faudra que je lui explique aussi pourquoi je ne passe plus les nuits chez lui."

Fignoler les détails.

Witt grelotte, c'est qu'y fait pas chaud dehors. Et là comme ça, à attendre. Posé comme un pot de fleurs, pas facile de se réchauffer. Alors il souffle de l'air chaud sur le bouts de ses doigts, endoloris. Gigotant de temps à autre pour que le sang s'active et réchauffe tout ses membres.
Il jette une oreille de temps en temps vers la porte. Histoire d'être prêt si on l'appelle. Y doit faire plus chaud là dedans... Peu importe l'ordre, pourvu qu'on lui dise de se pointer, et fissa.

Un regard aux alentours. C'est sinistre et mal éclairée. Lui qui rêve de grands espaces...
Personne évidemment. Quelques badauds et inconnus qui passent de temps à autre au bout de l'allée. Dieu qu'il se fait chier. Impatient, le caporal se retourne une nouvelle fois pour coller sa tête contre la paroi du labo médical. Ca s'active là-dedans. Oser, ne pas oser... Oh et puis merde, le voila qui frappe, et entre-trouve légèrement, suffisamment pour laisser passer sa caboche.
Sans prendre vraiment le temps d'analyser la scène, ni de regarder qui se trouve là, il parle, spontanément.

B'soin d'aide ?

Faites que oui.

...

Espérance un peu faussée évidemment... puisque ce n'est pas dans le labo ACT que donne cette porte, mais sur une pièce adjacente, la partie médicale. Cette dernière, presque vide, n'accueille qu'un jeune homme que Witt se souvient avoir déja croisé furtivement dans les ruelles de la ville ces derniers temps.
Le bruit et l'agitation qu'il a entendu, sont bien plus perceptible maintenant, et viennent de la pièce au fond du wagon. Le laboratoire.

Ah merde! Désolé.

Les mots sont pour le jeune homme.
Il entre puis referme la porte qui mène vers l'extérieur. Visiblement, y gênera personne ici, et pas question d'aller s'cailler les meules dehors à nouveau.

Y'a comme du bruit, derrière, entre les notes de funk. Ivy penche légèrement sa tête de côté, le crayon qui s'agite entre son index et son majeur.

« Bon, alors ne gardons que l'idée du cadeau en plus des travaux d'artisanats. »

Le crayon arrête de gigoter.

« Il faudra bien que je dorme chez Emi. Je dors pas beaucoup. Je peux dormir par terre, je suis pas à ça près.
Il faudra qu'Emi se plie à des règles de sécurité pendant ces moments là, le reste du temps elle aura une plus grande liberté d'action, chez elle. Notamment quand je serai hors du wagon, elle pourra être seule...enfermée oui, mais seule... J'essayerai d'être de bonne compagnie. Je travaillerai sur Novella Hestia, je ferai la conversation, je fabriquerai des trucs, ou ce que vous voudrez.
Limiter au maximum et sur des courtes distances optimales ces déplacements à l'extérieur.
Le truc de mettre sur le coup vos troupes, c'est qu'il ne faut pas d'hommes influençables, ou quelqu'un qui la connaisse bien, même une légère amitié... Lui permettre trop de libertés, des moments d'inattention, accepter juste un petit désir, être compatissants, des tendances violentes ou...bizarres...
Quand je vois le Lieutenant se balader la bite à l'air...
Et j'aimerai bien qu'Emi ne soit pas considérée par d'autres comme une pestiférée. Que nous soyons les seuls à connaître vraiment les aboutissants de cette histoire. »

Elle continue d'écrire, après son temps d'arrêt.

« Après, je ne vous oblige à rien, c'est vrai que ça peut paraître extrême, mais j'ai pas trop envie de faire dans la demi-mesure. On ne peut pas vraiment déterminer de quelle façon Emi va réagir à ses pulsions si elles surviennent. Et puis je ne suis qu'une étrangère... Je n'ai jamais gardé des malades, mais je sais ce que c'est. Des gens très bien et conscients de leur cas peuvent tout faire pour avoir une relation sexuelle, juste une semaine plus tard. D'autres sont plus calmes, et vont bien résister, jusqu'au point de non-retour.
Je suivrai vos ordres de toute façon. »


…

« Est-ce qu'on peut sortir du wagon d'Emi par le haut ?»

Le contact prend fin. Expression d'alarme. Ça y est, ils parlent déjà d'extraction par le toit.

"C'est parfait Ivy. Votre plan a l'air d'être solidement réfléchi. Je suis certaine que vous serez d'excellente compagnie."

Ça manque de conviction. Ce n'est pas très enjoué.

"Enfin je veux dire que dans ce contexte, vous serez d'une compagnie parfaite... Hm. Cela sous entend que Saül ne pourra pas me surveiller...?"

S'adressant à celui qui devait être son mari, il y a encore quelques heures.

"Je suis certaine que tu pourrais tenir le coup. Tu as beaucoup de volonté... "

Son ton s'enfonce dans l'incertitude.

"Il suffira que tu viennes bien -préparé-. N'est-ce pas...?"

Le sous-entendu est lourd. Elle a l'habitude d'être séparée de lui. Mais maintenant, ça lui semble insurmontable.